Le revenu fixe mondial a bonne allure, mais nous ne sommes pas sortis d'affaire

Ce gestionnaire de fonds de la Manuvie est optimiste mais affûte sa tactique dans un marché aux tendances de courte durée et aux nouveaux défis.

Michael Ryval 27 mars, 2019 | 5:00
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Le climat dans lequel évoluent les titres mondiaux à revenu fixe, qui s’est avéré éprouvant en 2018, s’est éclairci, mais les grands risques demeurent. La politique fiscale américaine et le commerce avec la Chine, ainsi que le Brexit, continuent de peser sur le marché.

« À mesure que les données économiques changeront pour devenir positives, la position de la Fed pourrait être problématique. , c’est la première chose », dit Dan Janis III, directeur des titres multisectoriels mondiaux à revenu fixe chez Manulife Asset Management à Boston.

« Deuxièmement, il y a l’accord commercial avec la Chine. Cet événement a créé une énorme source de volatilité dans les marchés mondiaux. Nous sommes d’avis qu’une vague entente sera conclue, mais pas une solution définitive, surtout en ce qui a trait à la technologie. Mais il y aura une entente qui réduira la capacité des États-Unis à relever les tarifs douaniers, ce qui est un facteur assez positif. »

La troisième question qui plane sur le marché obligataire est la crise non résolue du Brexit qui pourrait déstabiliser les habitudes électorales en Europe. « Il faut que les gens comprennent que si le R.-U. sort de l’Union, la France pourrait récupérer certains votes, et cela pourrait créer des habitudes électorales différentes. Nous sommes en plein milieu de la crise et le R.-U. et l’Europe s’en trouvent bouleversés. L’impact s’est traduit par un affaiblissement économique », dit M. Janis, ajoutant que la détérioration de l’économie de l’Italie pourrait rendre l’incertitude encore pire.

Les craintes portant sur la liquidité et un verre à moitié plein

Ce qui accentue l’incertitude, affirme M. Janis, c’est le fait que les grandes banques n’aient pas rétabli leur niveau de liquidité d’avant la crise financière de 2008. « Et il y a différents intervenants sur le marché. Certaines firmes de capitaux privés pourraient devenir des intermédiaires et créer un meilleur climat de liquidité », dit M. Janis, qui possède 35 ans d’expérience dans l’industrie et cogère le 5-star Fonds à revenu stratégique Manuvie, série F.

« C’est notre deuxième baisse depuis 2005, donc notre palmarès est assez bon. Mais il faut comprendre que les marchés sont un peu plus tactiques et que les tendances sont plus courtes, dit M. Janis. Peut-être devrions-nous adopter une approche plus tactique en matière d’allocations. Dans l’ensemble, nous estimons que le verre est à moitié plein et non à moitié vide. On peut prendre des risques, mais ils doivent être modérés. Les profils de rendement se situent entre 2,75 et 5,75 %, après les frais, ce qui devrait signaler un environnement positif. »

D’un point de vue stratégique, l’équipe de M. Janis met l’accent sur quatre éléments clés du risque : le crédit, la liquidité, les taux d’intérêt et la devise. Mais leur importance dépend beaucoup de ce qui se passe dans l’environnement macroéconomique et la perception qu’a l’équipe de la conjoncture mondiale au cours des 12 à 18 prochains mois. « Nous trouvons qu’il y a des fois où il est plus avantageux d’accepter risque accru lié à la devise, à la durée ou au crédit », dit M. Janis. Il fait remarquer qu’avant la crise financière de 2008, l’équipe était plus défensive et privilégiait les obligations de qualité élevée et prenait un risque davantage axé sur la devise. « Nous voulions miser sur l’occasion d’un refuge vers la qualité offert par le dollar américain durant 2008. Quand nous sommes sortis de la crise, nous avons remarqué qu’il était plus avantageux de profiter d’un risque accru lié au crédit, après l’élargissement important des écarts de rendement des obligations à rendement élevé. Et nous avons réduit le risque lié à la durée, car c’était plus logique. »

Les obligations se portent bien en termes de durée

Le fait que M. Janis soit moins défensif se voit dans la durée du fonds, qui est passée de deux à quatre ans vers la fin de 2018. La durée du fonds a tendance à osciller entre deux et six ans.

« Nous n’augmentons pas la durée de manière dynamique car le risque actuel lié aux taux d’intérêt est différent de ce qu’il était avant la crise financière. En 2006-07, on pouvait obtenir un taux de rendement de 6-6,5 % pour les obligations gouvernementales à rendement élevé, observe M. Janis. Aujourd’hui, cela n’existe pas. Nous devons être prudent sur la manière de répartir le capital. Nous avons affaire à un risque de crédit un peu supérieur, en termes d’impact sur la volatilité des rendements du portefeuille. Mais nous n’avons pas affaire à un énorme risque lié au crédit comme en 2009. »

M. Janis fait remarquer que la répartition d’actifs représentera entre 40 et 60 % des rendements sur une période de 3 à 5 ans, et 20 à 30 % provient de la sélection des titres, 20 à 30 % de la participation à la devise, tandis que la durée et les transactions de titres constituent la différence. « Les pourcentages peuvent augmenter légèrement lors d’une année donnée. Mais il en restera toujours que la répartition d’actifs est généralement primordiale. »

Du point de vue de la répartition d’actifs, environ 55 % du portefeuille est investi dans des obligations de sociétés, principalement des titres américains. « Nous avons remanié la composition et énormément réduit les prêts bancaires, et prévoyons de délaisser entièrement cette catégorie d’actifs. Cette allocation comprend en gros 17 % dans les obligations américaines à rendement élevé, environ 20 % dans les obligations de sociétés de qualité supérieure et 5 % dans les créances européennes », dit M. Janis.

« Nous investissons un bon montant dans les obligations de sociétés qui sont à plus court terme de nature puisque nous touchons un rendement important grâce aux titres dont la qualité du crédit est supérieure, et qui comportent donc un risque de crédit inférieur. Mais ces obligations ne comportent pas un gros risque lié aux taux d’intérêt. La courbe des rendements actuelle étant assez plane dans l’ensemble, nous ne renonçons pas trop aux profits en étant positionnés sur la portion courte de la courbe des rendements, remarque M. Janis. Ces obligations sont aussi extrêmement liquides, ce qui signifie que nous pouvons effectuer des remaniements très rapidement lorsqu’une occasion se présente ». M. Janis dit que son fonds penche vers les obligations de sociétés plus défensives. Extrêmement diversifié, ce fonds compte plus de 500 titres.

L’Indonésie et le Brésil ont bonne allure

Le reste du fonds, soit 45 %, est investi dans les obligations souveraines. L’Indonésie compte parmi les pays préférés de l’équipe. « Son taux de croissance dépasse les 5 % et l’inflation se situe en bas de l’échelle cible de la banque centrale. Elle ne subit pas trop de pressions pour relever ses taux. Mais pendant la période de volatilité l’année dernière, la banque centrale est intervenue pour augmenter les taux et combattre en partie cette volatilité, lorsqu’elle était en position de force et en raison de craintes d’inflation », dit M. Janis.

« Il s’agissait d’un signe de confiance, particulièrement du fait que leur compte courant est passé d’un énorme déficit à une position très solide et qu’ils disposent de réserves de devises étrangères énormes. » Ces obligations, qui représentent environ 4 % du fonds, sont des titres de qualité supérieure qui produisent un rendement d’environ 8 %.

Parallèlement, les gestionnaires ont un faible pour le Brésil, qui représente à peu près 2 % du fonds. « On est payé pour prendre le risque alors que du côté court de la courbe les rendements à court terme sont d’environ 9 % », dit M. Janis, ajoutant que la devise brésilienne est en train de se renforcer grâce à des réformes économiques très attendues.

M. Janis et son équipe ne prévoient pas de récession aux États-Unis. Pourtant, ils détiennent aussi des titres extrêmement liquides de manière à pouvoir profiter des occasions qui pourraient se présenter. « Si une nouvelle information surgit pour changer cette thèse, nous voulons nous assurer de pouvoir être défensifs. Ce n’est pas le moment de chercher les rendements. Il faut être très efficace et aborder le risque en portefeuille avec prudence. Et nous n’oublions pas que nous sommes plus proches de la fin que du début du cycle économique. Un penchant légèrement plus défensif paraît logique dans cette conjoncture.

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À propos de l'auteur

Michael Ryval

Michael Ryval  Michael Ryval, qui contribue régulièrement à Morningstar, est un auteur pigiste de Toronto se spécialisant dans les domaines du placement et des affaires.