L’engagement des actionnaires pour les questions climatiques n’a jamais été aussi fort

Un nombre de motions et un niveau de soutien de plus en plus élevés reflètent l’inquiétude croissante des actionnaires envers la résilience climatique de leurs portefeuilles.

Jon Hale 26 septembre, 2019 | 5:00
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People casting a ballot

Cet article fait partie du dossier spécial de cette semaine sur le placement ESG.

Le soutien des actionnaires pour les solutions climatiques a atteint un record de 30 % pendant la saison des procurations, et le nombre de motions mises aux voix est en train de baisser significativement, ces développements n’étant pas contradictoires. De nombreuses solutions proposées ont été retirées avant d’être mises aux voix parce que les actionnaires qui les parrainaient et les équipes de gestion des sociétés s’étaient réunies et avaient eu un dialogue constructif qui avait conduit à la prise de ces dispositions. Toutefois, dans un développement moins positif, certaines motions ont été retirées des votes par correspondance parce que la SEC (commission des valeurs mobilières américaines) avait envoyé des lettres de non-recours.

Depuis 2004, les actionnaires ont été consultés sur plus de 400 motions demandant aux sociétés de faire rapport des risques commerciaux liés au changement climatique et de dévoiler leurs stratégies pour faire face à ces risques. Le nombre de motions et les niveaux de soutien de plus en plus élevés reflètent l’inquiétude croissante des actionnaires envers la résilience climatique de leurs portefeuilles.

16-trend of resolutions asking for climate change disclosures

Le changement climatique créant une situation d’urgence de plus en plus grande, les actionnaires éprouvent le désir croissant de voir les sociétés founir des informations utiles pour la prise de décisions, dont par exemple des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) qui soient mesurables et limités dans le temps, et des plans concernant la manière dont ils ajusteront leurs opérations et leurs produits pour être compétitives dans la transition vers une économie à faible teneur de carbone. Un grand nombre de ces motions demandent aux sociétés d’utiliser un cadre de rapport mis au point par le groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GTIFRCC).

Pour l’année 2019 des votes par procuration (de juillet 2018 à juin 2019), les motions sur le changement climatique qui ont obtenu le plus de soutien ont été habituellement celles qui formulaient des requêtes correspondant aux recommandations du goupe de travail, qui demandaient aux société de dévoiler leurs objectifs pour la réduction des émissions de GES et l’adoption d’énergies renouvelables.

List of climate disclosure resolutions receiving at least 30% support

Les engagements ont provoqué le retrait des résolutions

L’aperçu des procurations 2019, un examen exhaustif pré-saisonnier des motions sociales et environnementales des actionnaires, a signalé que près d’une soixantaine de motions liées au climat avaient été proposées par les actionnaires jusqu’à la fin de janvier. Ces motions demandaient des divulgations sur la gestion des émissions de GES, la résilience du scénario à deux degrés et le risque des actifs carboniques, ainsi que des objectifs pour adopter les énergies renouvelables ou améliorer l’efficience énergétique. La majorité d’entre elles ont été retirées avant la publication de la littérature relative aux procurations.

À Emerson Electric (EMR), par exemple, les actionnaires ont voté à chacune des trois dernières assemblées générales annuelles sur des motions proposées par Walden Asset Management demandant l’adoption et la divulgation des objectifs de réduction des GES. D’autres activistes ont proposé des motions demandant une présidence indépendante du conseil d’administration, une transparence des affaires affectant les dépenses de lobbying et d’ordre politique, et des rapports de durabilité. En 2018, la société a entamé un dialogue avec les actionnaires activistes, puis publié un rapport de durabilité qui comprenait les objectifs de réduction des GES demandés. Compte tenu de l’ouverture de la société au dialogue, tous les actionnaires sont convenus de retirer les motions et les bulletins de vote par correspondance d’Emerson ne comportaient pas de propositions d’actionnaires.

Trillium Asset Management a déposé une motion auprès d’EOG Resources (EOG) demandant à la société de fixer et divulguer ses objectifs de réduction des émissions de méthane. Après que la société s’est engagée à réduire ses émissions de méthane et à établir des objectifs de réduction à plus long terme, Trillium a retiré la motion.  

Ces succès tendent à prouver une disposition très favorable de la part de la direction pour s’engager aux côtés des actionnaires et faire face aux préoccupations d’ordre climatique.

Alors que les sociétés européennes répondent à une série de règles de procuration différentes, les motions des actionnaires ont été utilisées avec succès pour soulever auprès de leur direction des préoccupations qui sont abordées par le biais de l’engagement.

Les succès précoces de cette stratégie ont été amplifiés par les actionnaires composant la coalition « Aiming for A » en 2015 et 2016. Cette coalition est devenue la coalition Climate Action 100+, lancée en décembre 2017 au Sommet One Planet. CA100 est la plus grande coalition d’investisseurs jamais vue, représentant 33 billions $ d’actifs sous gestion. Elle compte parmi ses membres beaucoup des fonds de pension les plus gros du monde, comme le fonds de pension d’investissement du gouvernement japonais, les fonds ABP des Pays-Bas et AustralianSuper et le système de retraite des fonctionnaires de Californie, ainsi qu’une large base de gestionnaires d’actifs mondiaux. Elle a une stratégie d’engagement de cinq ans pour améliorer la gouvernance climatique, réduire les émissions et faire avancer la cause de la divulgation du risque climatique auprès des émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre les plus systémiquement importants.

Confrontée à une motion des investisseurs de CA100+ pour divulguer comment sa stratégie commerciale s’alignait sur les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat, non seulement BP (BP) a conservé la motion sur son bulletin de vote de 2019, elle a aussi recommandé que les actionnaires votent pour soutenir cette demande. Quatre-vingt dix-neuf pour cent des actionnaires ont voté pour

En s’engageant auprès des actionnaires de CA100+, la Royal Dutch Shell (RDS.A) a fait la promesse révolutionnaire de fixer des cibles qui réduiraient les émissions de produits vendus aux client (appelées émissions de catégorie 3) et de lier ces cibles à la rémunération de ses dirigeants.

Cette approche collaborative adoptée pour faire face au risque systémique encouru par les placements est cautionné par des révisions de code de gérance européen, notamment celle très récente du Code de gérance de l’Association européenne des fonds et de la gestion d’actifs, et celle proposée du Code de gérance britannique, toutes deux stimulées par les révisions apportées à la Directive sur les droits des actionnaires (SRD II), qui sont entrées en vigueur dans tous les états de l’union européenne en juin.

Alors que les investisseurs collectivisent leur engagement et leur influence électorale, les motions des actionnaires deviennent un outil encore plus important pour contracter des engagements constructifs auprès des sociétés.

La SEC met la divulgation des émissions sous l’éteignoir des « affaires courantes »

Par opposition au fort soutien apporté par les autorités en Europe, la SEC donne du fil à retordre aux actionnaires américains.

En 2018, la SEC a transgressé des années de précédents en octroyant à EOG Resources un répit de non-recours dans une situation où la société avait négligé d’inscrire au vote une motion des actionnaires lui demandant d’« adopter des cibles quantitatives assorties de délais et s’étendant à la société tout entière pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et publier un rapport évoquant ses plans et les étapes successives qui permettront d’atteindre ces cibles ». Cela marqua le début d’une approche nouvelle est plus conservatrice adoptés par la SEC pour statuer sur les appels des actionnaires proposant des motions sur le climat.

Si les sociétés pensent qu’elles ont toutes les raisons d’omettre une motion de ses actionnaires dans ses procurations, elles dissiperont tout problème possible en demandant à la SEC de confirmer qu’elle ne prendra pas pour cela de mesures contre elle. Les conditions d’omission sont définies dans le règlement 14a-8 de la SEC. L’autorisation est accordée par le biais d’une lettre de non-recours.

Se fondant sur une interprétation plus large de la règle d’exception au titre des affaires courantes, la SEC a statué que plusieurs dépôts de motions demandant aux sociétés de fixer des cibles de réduction quantitative des GES et d’en faire rapport entravait le fonctionnement normal de leurs affaires. Les sociétés ont donc exclu ces motions de ses votes par procuration au titre du règlement 14a-8(7) de la SEC.

Au moins cinq motions ont été omises sur ces bases en 2019 selon les dossiers déposés auprès de la SEEC, et d’autres sociétés encore en ont été sans doute dissuadées. Selon Heidi Welsh, directrice générale de l’institut des placements durables qui piste les motions proposées et retirées, ce changement d’attitude de la SEC a beaucoup tempéré la détermination qu’avaient les actionnaires de proposer et défendre de type de demandes de divulgation.

Les actionnaires ripostent en exigeant la gouvernance des risques climatiques.

En ce qui concerne Exxon (XOM), cette année, la SEC a permis à la société d’omettre une motion déposée à la fois par l’Église anglicane et le fonds de retraite ordinaire de l’état de New York, lui demandant de fixer des objectifs de réduction des émissions de GES et de les dévoiler. En réponse à cela, ces organisations activistes, toutes deux membres de CA100+, ont recommandé aux actionnaires de voter contre les membres du conseil d’administration d’Exxon et de soutenir une motion destinée à y séparer les fonctions de président et de directeur général.

Ces propositions ont obtenu le soutien des actionnaires. Quarante et un pour cent ont voté pour soutenir la nomination d’un président du conseil d’administration indépendant, contre 39 % en 2018. Le soutien d’un changement de règlement interne qui permettrait à 10 % des actionnaires de convoquer une réunion spéciale est passé de 36 % en 2018 à 42 %. De plus, le soutien moyen des actionnaires pour les candidats aux postes d’administrateurs a baissé de 97 % en 2018 à 93 % en 2019; ce qui n’a peut-être pas l’air très important, mais cela a placé la société dans le décile le plus bas du S&P 500 dans le domaine du soutien aux administrateurs.

Les actionnaires utilisent aussi la procédure des procurations pour aborder la question de l’influence des entreprises sur l’opinion publique et l’élaboration des politiques. Les frais des entreprises soutiennent le travail des organisations commerciales qui ont permis de paralyser l’action gouvernementale sur les questions climatiques. Certains des mêmes groupes mettent toute leur pression pour limiter les dépôts de motions d’actionnaires auprès de la SEC. Les motions demandant plus de transparence sur le montant des dépenses de lobbying des entreprises et leurs paiements aux organisations commerciales et la supervision de ces frais par le conseil d’administration ont reçu le fort soutien des actionnaires en 2019 : 24 motions ont obtenu un soutien moyen de 32 %. À Exxon, 37 % des actionnaires ont soutenu cette motion, soit une augmentation de 10 points de pourcentage par rapport à la même motion mise aux voix en 2018 et 2019.

Les motions et engagements des actionnaires aident certaines des plus grandes entreprises mondiales à s’attaquer au changement climatique, ce qui est une bonne chose pour le monde. C’est aussi une bonne chose pour les investisseurs, qui reçoivent plus d’informations susceptibles de faciliter leurs décisions sur ls sociétés qui sont préparées à la transition à une économie à faible teneur de carbone.       

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Valeurs citées dans l'article

NomValeurVariation (%)Cote Morningstar
BP PLC ADR37,49 USD1,02Rating
Emerson Electric Co112,88 USD0,05Rating
EOG Resources Inc129,94 USD1,58Rating
Exxon Mobil Corp119,64 USD1,50Rating
Shell PLC Cedear34 696,50 ARS0,00

À propos de l'auteur

Jon Hale

Jon Hale  Jon Hale, Ph.D., CFA, est directeur de la recherche sur la durabilité à Morningstar.