Les investissements internationaux sont-ils passés de mode?

Ce que signifie la mondialisation des revenus des entreprises pour les portefeuilles de placement.  

Susan Dziubinski 27 juillet, 2023 | 3:35
Facebook Twitter LinkedIn

Image graphique

Les entreprises du monde entier se procurent une part plus importante que jamais de leur chiffre d'affaires en dehors de leur marché national. Par conséquent, les investisseurs peuvent se demander pourquoi ils devraient investir dans des actions internationales alors que de plus en plus d'entreprises américaines bénéficient de la croissance mondiale. Nous nous sommes entretenus avec Dan Lefkovitz, stratégiste d’indices à Morningstar, pour évoquer son nouvel article, Global Equity Markets Grow Even More Global (les places boursières normales se mondialisent encore plus), et sur ce que cela implique pour les investisseurs. 

Susan Dziubinski. Vous avez récemment publié une nouvelle étude portant sur les flux de revenus de près de 8 000 entreprises dans le monde. Votre objectif était de déterminer le montant des revenus générés par les entreprises en dehors de leur marché d’origine. Pourquoi cette décision?

Dan Lefkovitz. Dans le domaine de l’investissement dans les actions, nous considérons souvent la participation géographique de manière unidimensionnelle : Où l'entreprise est-elle établie? L'examen des sources de revenus ajoute une nouvelle dimension à notre compréhension. Elle peut mettre en lumière à la fois les risques et les opportunités. Morningstar recueille des données sur les segments géographiques que publient des milliers d'entreprises mondiales, et nous pouvons agréger ces données au niveau chaque place boursière à l'aide des indices nationaux de Morningstar. Cela permet de répondre à des questions comme :

  • À quel point les marchés nationaux sont-ils nationaux?
  • Quelles sont leurs sources de revenus
  • Comment ont-ils évolué au fil du temps ? 

SD. Vous avez constaté que les sources de revenus de toutes les entreprises mondiales se mondialisent généralement encore davantage. Pouvez-vous nous en dire plus?

DL. Nous avons commencé à mener cette étude en 2019, avant la pandémie. Au cours des dernières années, nous avons constaté que les sources de revenus des marchés se mondialisaient de plus en plus. Cela va à l'encontre de l'idée selon laquelle la pandémie et la géopolitique poussent les pays à se replier sur eux-mêmes. Par exemple, l'indice Morningstar Marché américain ne se fonde qu’à 61 % sur les États-Unis du point de vue des revenus, contre 66 % dans notre étude de 2019. Le Japon, la plupart des pays d'Europe occidentale, le Canada et l'Australie sont autant de pays qui se procurent une part plus importante de leurs revenus à l'extérieur de leur marché national. Selon nos estimations, de nombreuses places boursières sont davantage financées sur les États-Unis que sur leur propre pays. 

Ruth Saldanha. Qu'est-ce qu’une mondialisation accrue signifie pour la préférence nationale?

DL. La mondialisation des sources de revenus est un argument qui milite en faveur de l'investissement sur l'ensemble des marchés, de manière à saisir toutes les occasions. Lorsque l’on n’investit que dans des actifs locaux, on néglige non seulement les entreprises mondiales chefs de file de leur secteur, mais aussi certaines des entreprises de premier plan évoluant sur le marché national.  

SD. Vous notez dans votre travail de recherche que la tendance à la mondialisation des revenus est plus prononcée dans les pays développés et l’est moins dans les marchés émergents. Quelle en est la raison?

DL. L'Europe abrite de nombreuses multinationales. Si l'on se réfère à Nestle en Suisse, à Louis Vuitton Moet Hennessy  en France, à Novo Nordisk au Danemark ou à Shell et BP au Royaume-Uni, ces entreprises font des affaires dans le monde entier. Aux États-Unis, des entreprises comme AppleMetaAlphabet, et Microsoft sont des acteurs mondiaux. Toyota et Sony figurent parmi les plus grandes composantes de l'indice Morningstar Japon. 

À l'inverse, les marchés émergents comportent souvent moins de multinationales. Le marché chinois des actions est dominé par des acteurs locaux. Les banques, les télécommunications et les services publics sont souvent au premier plan des indices des marchés émergents, souvent aussi axés sur le marché intérieur. Il y a des exceptions : les entreprises technologiques en Inde, en Corée du Sud et à Taïwan, ainsi que les exportateurs de ressources naturelles au Brésil.

SD. D'autres recherches attestent que les corrélations entre les actions américaines et les actions non américaines ont augmenté au cours des vingt dernières années. La tendance à la mondialisation des revenus explique-t-elle pourquoi les actions internationales, en tant que groupe, ont été moins efficaces que par le passé pour diversifier les portefeuilles des investisseurs établis aux États-Unis?

SL. La mondialisation des sources de revenus a probablement contribué à ce que les places boursières soient au diapason. Les marchés développés, qui sont les plus mondialisés, sont plus corrélés entre eux que les marchés émergents ne le sont avec les marchés développés. Pour éclairer ce concept, songeons aux sociétés biopharmaceutiques. Qu'elles soient établies aux États-Unis, en France, en Suisse ou au Japon, elles sont exposées à divers degrés aux mêmes forces. À l'inverse, une banque en Indonésie et une banque au Canada n'ont pas grand-chose en commun.

RS. De quoi a l’air la diversification géographique d'un portefeuille pour les investisseurs?

DL. La diversification géographique complique certainement les choses. Les marchés étant de plus en plus imbriqués les uns dans les autres, les limites s'estompent entre les segments « nationaux » et « étrangers » d'un portefeuille. La mondialisation des sources de revenus a probablement contribué à une meilleure synchronisation des marchés d'actions. Mais c'est davantage le cas pour les marchés développés que pour les marchés émergents. Comme le montre notre étude, les marchés émergents sont souvent beaucoup plus orientés vers le marché intérieur. Sans surprise, ils sont également moins corrélés aux marchés développés. Mais du point de vue de la diversification, cela rend les marchés émergents très intéressants.

SD. Si les entreprises américaines génèrent de plus en plus de revenus en dehors des États-Unis, les investisseurs devraient-ils même prendre la peine d'investir dans des actions internationales? En d'autres termes, les investisseurs sont-ils déjà exposés à la croissance internationale en détenant des entreprises américaines?

DL. J'aime à inverser cette logique. Si je néglige les actions internationales, je ne suis pas exposé à certaines des principales entreprises du marché américain. Je vis aux États-Unis, mais mes enfants jouent au Nintendo sur un téléviseur Samsung; je fais le plein de ma voiture japonaise dans une station-service britannique; je consomme le café d'une machine suisse, puis je me mets des chaussures allemandes pour aller courir. En matière d'investissement, il est logique d'élargir au maximum l'éventail des possibilités. Il existe des entreprises, des secteurs et des facteurs de croissance uniques auxquels il est impossible d'accéder avec un portefeuille purement local.

Facebook Twitter LinkedIn

Valeurs citées dans l'article

NomValeurVariation (%)Cote Morningstar
Alphabet Inc Class A170,87 USD1,37Rating
Alphabet Inc Class C171,98 USD1,13Rating
Apple Inc201,36 USD-0,36Rating
BP PLC ADR28,94 USD0,21Rating
Lvmh Moet Hennessy Louis Vuitton SE10 550,00 MXN-6,64
Meta Platforms Inc Class A636,57 USD0,17Rating
Microsoft Corp454,86 USD0,51Rating
Nestle SA ADR106,50 USD-0,30Rating
Novo Nordisk A/S ADR68,17 USD-0,04Rating
Shell PLC ADR (Representing - Ordinary Shares)65,95 USD-0,62Rating
Sony Group Corp ADR25,33 USD1,77Rating
Toyota Motor Corp ADR182,82 USD-0,89Rating

À propos de l'auteur

Susan Dziubinski

Susan Dziubinski  Directrice du contenu pour Morningstar.com.