Poteaux électriques : prochains acteurs du marché des véhicules électriques

Les modestes fabricants de poteaux en bois rivalisent avec les "Sept Magnifiques" de la technologie en soutenant la croissance des véhicules électriques.

Yan Barcelo 5 April, 2024 | 5:00AM
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Workers on a hydro pole

Ayant bondi de 69 % entre le 1er janvier 2023 et le 14 janvier 2024, l'action de Stella-Jones (SJ) se compare avantageusement à n'importe quel titre technologique en vogue. Selon Goldman Sachs, l'ensemble des Sept Magnifiques a progressé de 71 % en 2023, soit à peine plus que Stella-Jones, alors que l'ensemble du S&P 500 n'a progressé que de 6 % au cours de cette période. 

Mais Stella-Jones, dont le siège social est à Montréal, n'est pas une coqueluche de la technologie. Il s'agit d'une société de bois d'œuvre qui fabrique et distribue des traverses de chemin de fer et des poteaux d'infrastructure partout en Amérique du Nord, ces derniers représentant 47 % de son chiffre d'affaires. Après avoir atteint un creux de 31,28$ en juin 2022, l'action de l'entreprise a amorcé une montée inexorable qui l'a amenée à un sommet de 85,23$ le 14 janvier 2023 (elle s'est depuis stabilisée dans les niveaux supérieurs des 70$).

Une vaste refonte du réseau est en cours

On pourrait être tenté, comme le fait un récent article du Wall Street Journal, de faire reposer la hausse de l'entreprise sur l'explosion attendue des véhicules électriques et la transition énergétique qui l'accompagne. La visibilité récente de l'entreprise n'est certainement pas étrangère à ce thème, observe Benoît Poirier, directeur général, analyste des secteurs industrie, transport et aérospatiale chez Valeurs mobilières Desjardins, mais le véritable élan de l'entreprise s'est manifesté bien plus tôt.

« Nous sommes engagés dans un cycle de remplacement des poteaux d'infrastructure qui a commencé il y a environ huit ans », explique Eric Vachon, président de Stella-Jones. La vérité, c'est que nous exigeons toujours plus du modeste poteau téléphonique, qui ne s'est pas renforcé avec l'âge. « L'un de nos clients possède un réseau de trois millions de poteaux et nous achetait 30 000 nouveaux poteaux par an, illustre M. Vachon. Cela implique un cycle de vie de 100 ans, alors que le cycle pratique est plutôt de 60 ans. »

À un moment donné, ce client a commencé à acheter 40 000 poteaux au lieu de 30 000. Puis un autre a fait de même. Puis un autre. « Le processus s'est considérablement accéléré au cours des trois dernières années, mais je l'ai vu se dérouler sur sept ans », précise M. Vachon.

Les poteaux électriques n'en peuvent plus

Ce que nous attendons de l'humble poteau n'a cessé d'augmenter depuis les aménagements massifs des années 1950 et 1960, et le réseau ne peut tout simplement pas le supporter. Prenons l'exemple de la demande d'électricité pour la climatisation. « Lorsque j'étais enfant, l'air climatisé était un luxe que peu de foyers pouvaient s'offrir, se souvient M. Vachon. Aujourd'hui, pratiquement tous les foyers en sont équipés ».

Mais ce n'est pas tout. Au départ, les poteaux ne transportaient que l'électricité et les lignes téléphoniques. Puis sont apparus le câble et la fibre optique. Puis des transformateurs plus performants et du matériel plus robuste. Les poteaux se fissurent sous la charge.

Et ce n'était que le début. Aujourd'hui, les entreprises de services publics sont prêtes à augmenter leur capacité électrique pour relever le défi des VE, comme Hydro-Québec qui a récemment annoncé un investissement de 150 milliards $ pour doubler sa production d'électricité, dont 40 milliards serviront à consolider l'infrastructure existante. « Pour inciter les conducteurs à acheter des VE, les régions ont besoin de chargeurs rapides sur les autoroutes et dans les villes. Pour cela, il faut davantage d'infrastructures de services publics, notamment des poteaux électriques », explique Seth Goldstein, stratège en actions chez Morningstar et président du comité sur les véhicules électriques chez Morningstar Research Services.

Des annonces comme celle d'Hydro-Québec ont été répétées à travers le Canada et les États-Unis. « Hydro One affirme avoir besoin de 100 000 poteaux supplémentaires au cours des trois ou quatre prochaines années dans le cadre de son plan de déploiement de la large bande », indique M. Poirier, tandis que le nouveau plan d'investissement de BC Hydro prévoit également le remplacement de 100 000 poteaux. Une étude récente de PWC Canada estime que « la production d'électricité et d'hydrogène pour atteindre les objectifs du Canada en 2050 pourrait nécessiter des investissements de 1,5 billion de dollars, sans tenir compte des besoins en matière de distribution et d'infrastructures de soutien."

Stella-Jones est en tête du peloton

Dans cette course à la replantation de poteaux en Amérique du Nord, Stella-Jones est l'acteur dominant, aux côtés de fournisseurs régionaux plus petits comme Koppers Holdings (KOP), qui a également vu le cours de son action bondir de 65 % au cours de l'année écoulée, au 27 mars 2024. D'autres entreprises, qui ne sont pas cotées en bourse, comprennent des noms comme Bell Pole et Marwood. Le paysage est plutôt mince, estime Spencer Liberman, analyste des actions, secteur industriel, chez Morningstar. "Lors de mes recherches sur les poteaux électriques, je n'ai trouvé aucune indication que West Fraser ou l'une des sociétés de bois d'œuvre que je couvre produise des poteaux électriques », reconnaît-il.

Avec seulement quelques acteurs présents, le créneau des poteaux en bois "à l'ancienne" règne en maître. Il existe une certaine demande pour les poteaux en composite, qui sont plus robustes et peuvent vieillir plus longtemps, mais ils ne sont nécessaires que dans des régions comme la côte de la Floride, exposée aux ouragans. Les poteaux en composite sont également deux fois plus chers que leurs équivalents en bois. Il existe également une certaine demande pour des poteaux en acier ancrés dans le béton, mais il s'agit là de besoins encore plus coûteux et spécialisés. Il y a aussi des besoins très élémentaires que le bois satisfait le mieux : « Les poteaux en bois sont plus faciles à escalader et à percer lorsqu'il faut ajouter du matériel », fait ressortir M. Vachon.

Place à la hausse encore

Selon l'évaluation de M. Poirier, l'action de Stella-Jones n'a pas encore atteint son sommet. Après le sommet atteint à la mi-janvier, le titre est retombé à environ 77 $CAN à la suite de l'annonce que les clients des services publics américains ralentissaient leur rythme d'achat de poteaux parce que les coûts plus élevés du capital retardaient certains projets. Mais il ne s'agit là que d'un recul temporaire qui offre aux investisseurs un point d'entrée bienvenu, estime M. Poirier.

L’analyste considère toujours que Stella-Jones est attrayante pour les investisseurs, prévoyant un prix de 92 $CAN en 2024. Si l'entreprise atteint son objectif de revenus de 3,9 milliards de dollars en 2025 avec une marge de BAIIA de 17,3 % (qui était de 18 % en 2023), l'action pourrait atteindre 102 $CAN. Si les banques centrales réduisent les taux d'intérêt, cela pourrait accroître l'abattage d'arbres par Stella-Jones, prévoit M. Poirier, car des taux plus bas accéléreraient les plans de déploiement des entreprises de services publics.  

 

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Securities Mentioned in Article

Security NamePriceChange (%)Morningstar Rating
Koppers Holdings Inc53.47 USD1.40
Stella-Jones Inc80.12 CAD-2.03

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Yan Barcelo

Yan Barcelo  Yan Barcelo compte plus de 30 ans d'expérience en tant que journaliste couvrant la finance et l'économie. Il a écrit pour plusieurs publications à Montréal et Toronto, dont CPA Magazine, Les Affaires et Commerce. Il a gagné de nombreux prix, notamment deux prix Or et un prix Argent aux KRW Magazine Awards.

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